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Robert Ryman : "De la Peinture".Conférence tenue le 9 janvier 91 dans le cadre des " Salons Séries " du Guggenheim MuseumJai pensé que je parlerais brièvement de certains aspects fondamentaux de la peinture, et jespère ne pas trop vous ennuyer en répétant des choses que vous savez déjà. Mais jestime que de temps en temps il vaut la peine de se pencher sur les principes de base, vu que nous sommes généralement trop impliqués dans la complexités de la peinture et du monde des arts. Jai pensé que je parlerai là encore, sans trop métendre de certains aspects de la peinture, des procédés picturaux, de la façon dont une uvre prend naissance, et de son ultime achèvement par le collectionneur, à qui il incombe de présenter luvre dune manière qui en révèle lesthétique. Vous savez que je ne suis ni un historien dart ni un érudit, je me base donc simplement sur des observations. Je commencerai par le premier procédé qui occupe une place importante dans la peinture : cest la représentation. Nous savons tous ce quest la représentation, cest ce que nous voyons presque partout et que de nombreux artistes sattachent à produire. Je voudrais simplement évoquer ses bases, cest à dire quil sagit dune image confinée à lintérieur dun espace délimité la toile -, cet espace étant généralement séparé du mur par un cadre. Le cadre est là pour de bonnes raisons : il fait converger le regard sur la toile et sépare lillusion puisquil sagit dune image de la surface murale.Toute représentation est illusion, cest une image des choses que nous connaissons. Et puisque nous connaissons limage, celle-ci raconte toujours une histoire. La narration est parfois très directe, parfois plus subtile, mais lhistoire est toujours là. Et lesthétique est une esthétique dirigée vers lintérieur, comme si le tableau avait son petit monde à soi, dans lequel pénètre notre regard. Le cadre constitue donc une aide à cet égard. Le second procédé est labstraction. Cest un terme qui a fait lobjet dinterprétations diverses. On ma dit que Picasso ne sétait jamais considéré comme un peintre abstrait. Pourtant, jestime que Picasso est un bon exemple de peintre abstrait. Ainsi labstraction peut prendre différentes significations, selon le point de vue de chacun. Personnellement jutilise ce terme en sens de " abstraire de ", et dans ce sens labstraction a offert aux peintres une nouvelle dimension : elle leur a ouvert des possibilités délargir la peinture. Mais dun autre côté, labstraction a conservé essentiellement les mêmes moyens quutilise la peinture figurative, tels que limage et le contenu symbolique. Lhistoire est toujours encore là, et souvent, le cadre garde la même fonction disoler lillusion du plan mural. Et bien que le procédé consistant à " faire labstraction de choses connues " ait ouvert aux peintres de nouvelles voies, il reste dans son essence très proche de la peinture figurative, de la représentation. Lhesthétique y est dirigé, là aussi, vers lintérieur. Il y a un troisième procédé, auquel on a donné les noms les plus divers, dont aucun nest satisfaisant. On la appelé " concret ", ou " peinture concrète ", on la appelé " absolu ", " non objectif ", ou même " abstrait ". A mon avis, ces étiquettes ne sont pas très heureuses. Il me semble dailleurs que le Guggenheim Museum sappelait à lorigine le " Guggenheim Museum of non-objective Painting ". " Non-objectif " ne dit pas ce que cest, voilà pourquoi je préfère appeler ce troisième procédé " réalisme ", quil ne sagit pas de confondre avec la représentation. Je lappelle réalisme parce que lesthétique y est réelle. Ce troisième procédé, le réalisme se distingue dans son application de la peinture de représentation et de la peinture abstraite. Avec le réalisme il ny a pas de représentation. Lesthétique y est dirigée vers lextérieur et non vers lintérieur, et puisquil ny a pas dimage, il ny a pas non plus dhistoire. Et pas de mythe. Et avant tout, pas dillusion. Les lignes sont réelles, lespace est réel, la surface est réelle ; il y a, contrairement au procédé dabstraction ou de représentation, une interaction entre le tableau et la surface murale. Extrait du catalogue dexposition Robert Ryman REN espace dArt Contemporain, 7, rue de Lille, Paris 1992 |
Robert Ryman : "On Painting".Spech beld on january 9, 1991 in New York in the context of "the Guggenheim Museum's Salon Series".I thought I would speack very briefly on some basics concerning painting,and I hope I do not bore you too much with some things that you already know. But I think it is good to take a look at the basics on occasion, because we are usually so involved with the complexities of painting and the art world. I thought I would speack, there again, not going into much detail, about some aspects of painting and the procedures that painters use, and how a painting comes into existence and how its completion ends with the collector, with the challenge of the collector to present the painting in the world, in a way that make the aesthetic clear. I am not, has you know, an art historian, and I am not a scholar, so I am speaking just from observation. I'll begin with the first procedure used by painters, which is representation. We are all familiar with representation, it is what we see almost everywhere, and it can be a challenge to many painters. But I wanted to talk just about the basics of it, that it is an image within a confined space, the space usually being separated from the plane by a frame. The frame is there for good reason, to focus the eye into the picture, and to separate the illusion from the wall plane. Representation is illusion, and it is an image of things that we know. And since we know the image, it always tell a story. The narrative is sometimes very direct and sometimes more subtle, but the story is always there. And the aesthetic is an inward aesthetic, it is as if the painting had his own little word and you look into it. And that's why the frame helps in that respect. The second procedure is abstraction. Abstraction is a word that has been interpreted in numerous ways. I heard that Picasso never thought of himself as an abstract painter. On the other hand, I think of Picasso as a good example of an abstract painter. So abstraction has different meaning, depending on how you look at it. I am using it in the sense ot "abstracting from", and in that sense, abstraction gave painters a new dimension so to speack, it gave them a way to expand painting. But basically, it kept the same devices that represention uses, such as the picture and symbolism. The story is still there, and often the frame is still isolating the illusion from the wall plane, and although in abstracting from things we know it opened up possibilities for painters, it is essentially very close to representational painting. The aesthetic there, again, is an inward aesthetic. Now, there is a third procedure that has been called by various names, none of which are very satisfactory. There's been "concrete", it's been called "concrete painting", it's been called "abstraction". These have not been very successful, in my opinion. In fact, I think, the original name of Non-Objective PaInting. Non-objective does not say what it is, and I prefer to call this third procedure "reslism", not to be confused with representation. I call it realism because the aesthetic is real. This third procedure, realism, has a different approch than representation and abstraction. With realism there is no picture. The aesthetic is an outward aesthetic, and since there is no picture, there is no story. And there is no myth.And, there is no illusion, above all. So linees are real, and the space is real, the surface is real and there is an interaction between the painting and the plane, unlike with abstraction and representation. From Robert Ryman Exhibition Catalogue, REN Espace d'Art Contemporain, 7, rue de Lille Paris, 1992.
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